« La plus grande découverte de ma génération, c’est que les êtres humains peuvent changer leur vie en changeant d’attitude »
William James
Parmi les nombreuses psychothérapies existantes, les TCC sont de plus en plus réputées et reconnues comme des approches fiables et efficaces, que ce soit par le grand public ou par de plus en plus de professionnels de la santé. Mais, au-delà de cet a priori positif, je constate souvent que les personnes qui me consultent ne connaissent pas vraiment les TCC, ni en quoi elles consistent. L’objectif de cette présentation est de vous aider à mieux comprendre certaines de ses caractéristiques et les grands principes de cette approche thérapeutique, pour vous permettre de vous en faire une idée plus précise.
Les Thérapies Comportementales et Cognitives reposent sur une approche scientifique de la psychologie clinique.
Elles s’appuient sur un vaste ensemble de recherches et d’expériences, qui ont permis de comprendre que nos façons de réagir au contexte du moment résultent d’apprentissages et de conditionnements. En fonction de nos prédispositions à la naissances, de l’environnement familial et social dans lequel nous avons grandi et des événements de vie que nous avons connu tout au long de la vie, des processus d’apprentissage ont progressivement induit les pensées, les émotions et les comportements que nous pouvons observer, aujourd’hui, dans les différentes circonstances que nous rencontrons.
La plupart de ces apprentissages nous aident, à chaque instant, à nous adapter rapidement et utilement mais certains d’entre eux peuvent mener, avec le temps, à des impasses plus ou moins éprouvantes dont il est difficile de sortir. Or, l’approche cognitive et comportementale a également montré qu’il est possible, peu à peu, d’apprendre de nouvelles façon de faire, pour remédier à ces difficultés. L’apprentissage de ces nouvelles façon de faire ont connu trois étapes dans l’histoire des Thérapies Comportementales et Cognitives, trois « vagues » successives, centrées sur les comportements, les pensées (ou cognitions) et les émotions.

Première vague
La première vague des TCC s’est d’abord centrée sur l’étude du comportement. Les phénomènes mentaux étaient à l’époque assimilés à une « boite noire » et seuls les phénomènes observables, les circonstances de l’environnement (le stimulus), les comportements (la réaction) et ses conséquences étaient étudiés. D’une certaine manière, cette vague comportementale sous-tend que les difficultés psychologiques vont pouvoir, entre autre, s’observer dans les comportements de la personne qui en souffre et être modifiées par d’autres comportements. On peut, par exemple, observer la phobie des araignées, en présence de cet animal, dans le comportement différent de celui qui a cette phobie par rapport à celui qui ne l’a pas.
De même, on pourrait observer, dans le comportement d’une personne qui souffre d’anxiété sociale, qu’elle évite les situations où elle pourrait la ressentir, comme par exemple aller vers les autres, accepter une invitation ou prendre la parole en public. La fuite en présence d’une araignée ou l’évitement des situations sociales va avoir pour conséquence de diminuer, partiellement ou totalement, la peur ressentie sur le moment. Cette conséquence immédiate va inciter la personne a reproduire ce comportement de fuite ou d’évitement, lorsque les circonstances de sa peur réapparaissent.

« Les conséquences d’un acte affecte la probabilité qu’il se reproduise »
B. F. Skinner
Cependant, le fait d’éviter très souvent les situations qui font peur alors qu’il n’y a pas de réel danger, comme c’est le cas dans les troubles anxieux, a tendance a induire, avec le temps, plus d’angoisse et de sentiment de danger. Le comportement (par ses conséquences immédiates) entretient et renforce le trouble psychologique. Mais si des comportement peuvent entretenir un trouble psychologique, alors en changeant son comportement il devient possible de remédier à ce trouble. Confronter peu à peu ces situations qui font peur, vont progressivement réduire l’apparition d’angoisse dans ces situations.
En modifiant peu à peu ses comportements, on peut intervenir sur ses états mentaux. Il découle de cette première vague des TCC que parler du passé et réfléchir aux origines du problème ne peuvent pas suffire à induire des changements et qu’il est nécessaire, pour aller mieux, d’apprendre à confronter peu à peu les situations difficiles, ici et maintenant. Cette première vague s’est beaucoup intéressé au traitement des troubles anxieux et des phobies.
Deuxième vague
La deuxième vague des TCC est une vague que l’on appelle « cognitive » (qui vient d’un mot latin qui veut dire « penser ») : le principe de cette deuxième vague est que, si le comportement agit sur les états mentaux, les pensées à leur tour, influence le comportement.
Au cours de son développement, il se forme, chez l’être humain, ce qu’on appelle des schémas cognitifs. Ces schémas cognitifs permettent de produire, dans une situation donnée, des pensées qui ont pour but d’analyser et d’interpréter la situation pour nous permettre d’y réagir. Ces pensés ne sont pas le produit d’un raisonnement mais apparaissent de manière réflexe, automatique et sont difficile a réprimer.
En fonction de son histoire d’apprentissage et des situations, certains schémas permettent de réagir de façon adaptée, alors que d’autres, à l’inverse, vont altérer l’interprétation des événements et déclencher des réactions inadaptées. La description des schémas cognitifs est liée, à l’origine, à l’étude et au traitement de la dépression. Dans ce trouble psychologique, ces schémas cognitifs imposent, à la personne, des pensées très négative à propos d’elle-même, des autres et de l’avenir.
Cette interprétation très négative des circonstances la décourage d’agir et la pousse à s’isoler, comportements qui aggravent l’état dépressif ; les pensées négatives influencent le comportement et entretiennent ainsi le trouble dépressif. Mais si certaines pensés peuvent induire et entretenir un trouble psychologique, alors prendre conscience des erreurs de jugement et les rectifier peut, à l’inverse, y remédier.
La deuxième vague des TCC cherche donc à identifier, dans les contextes problématiques, les pensées inadaptées et à apprendre à les réévaluer pour poser un regard plus réaliste et fonctionnelles sur les situations.
La thérapie cognitive cherche à atténuer les tensions psychologiques en corrigeant les idées fausses. En corrigeant les croyances erronées, nous pouvons mettre fin aux réactions excessives
Aaron T. Beck
L’apprentissage de ces nouvelles compétences permet ainsi de remettre en cause les pensées qui peuvent pousser une personne dépressive à ne repérer que le « négatif » des circonstances, mais aussi pousser l’anxieux à voir un danger où il n’y en a pas réellement, ou inciter une personne souffrant de difficultés relationnelles à entendre, dans un échange verbal, des propos hostiles ou rejetant, là où d’autres personnes n’en verraient pas.
Progressivement, les approches de ces deux vagues successives ont été associées l’une à l’autre pour constituer les Thérapies Comportementales et Cognitives : Apprendre aux personnes confrontées à des difficultés psychologiques, à mettre en œuvre des comportements et des façons de penser, qui permettent à la personne de réguler progressivement ces difficultés.
Troisième vague
Depuis les années 90 et plus récemment en France, les TCC ont connu de nouvelles évolutions, la troisième vague.
On pourrait la décrire comme la vague émotionnelle des TCC, car elle se centre davantage sur les émotions, mais elle est plus que cela et renouvelle la façon de concevoir la psychothérapie.
Cette troisième vague porte en partie son attention non pas sur le changement de nos expériences intérieures douloureuses (nos émotions, sensations et pensées « négatives ») mais sur le changement du rapport que nous avons avec elles. En effet, bien qu’il semble logique et banal de lutter contre nos expériences intérieures difficiles, ces façons de réagir peuvent s’avérer inefficace avec le temps ; les pensées et les émotions douloureuses reviennent, avec souvent plus d’intensité et mobilisant encore plus l’attention de celui ou celle qui en souffre.
« Pourquoi vouloir commencer par changer le problème ? Et si parfois nous commencions par changer notre réaction au problème ? »
Christophe André
Ne serait il alors pas plus efficace d’apprendre à composer avec ces phénomènes intérieurs ? Des travaux de recherches, de plus en plus nombreux, montrent que développer des compétences d’acceptation réduit le niveau de stress, permet une meilleure régulation émotionnelle et aide à remplacer les réactions impulsives apprises par des réponses plus ajustées et utiles.
Le recours, par exemple, à la méditation dans les dispositifs thérapeutiques constitue, en définitive, une méthode d’entraînement (parmi d’autres) à changer sa façon d’interagir avec nos expériences intérieures. Mais la troisième vague change également la façon de concevoir la psychothérapie : si il est important de chercher à réduire ce qui ne « va pas » chez une personne, de réduire ses souffrances, la psychothérapie a pendant très longtemps négligé les moyens et les conditions susceptibles d’améliorer son bien-être. Or, comme le dit Martin Seligman, les compétences qui permettent d’être moins malheureux ne sont pas les mêmes que celles qui aident à être heureux.
La troisième vague des TCC a donc un double objectif : développer, d’une part, des compétences d’acceptation des pensées et émotions perturbatrices tout en augmentant, d’autres part sa capacité à s’engager dans les actions qui donnent de la richesse, de l’intensité et du sens à son existence et ainsi, augmenter son niveau global de bien-être. Une des principales approches de cette troisième vague est la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement ou Thérapie ACT.
